Présentation

Le contexte de découverte du buste d’Akhenaton (Aménophis ou Amenhotep IV) conservé au Louvre sous le numéro d’inventaire E 11076 n’est pas connu. On suppose cependant qu’il a été trouvé dans l’atelier du sculpteur Thoutmose à Amarna, par L. Borchardt lors de la campagne de fouilles de 1912. C’est dans cet atelier qu’a été trouvé le fameux buste de Nefertiti conservé au Musée de Berlin, ainsi que le « jumeau » du buste du Louvre et une grande série de sculptures royales.

Buste d'Akhenaton conservé au Louvre, Inv. E 11076.

Le Pharaon porte le khepersh, couronne de victoire ornée d’un uraeus dont le corps levé du serpent qui devait être rapporté a disparu. Son visage est moins allongé que celui des colosses, ses traits à l’apparence juvénile ne disent cependant rien de l’époque de réalisation puisque, dans l’art égyptien, les traits de l’âge évoquent des qualités symboliques et non l’âge réel du sujet. Il porte un grand collier pectoral, caractéristique de l’époque amarnienne, beaucoup plus développé que le collier classique (représentant, d’après Chr. Barbotin, le rayonnement solaire, étude en cours, publication à venir).

La sculpture du Louvre a été numérisée par photogrammétrie par le laboratoire Archeovision en 2012 par Robert Vergnieux. Un premier « zoning » de couleurs avait alors été réalisé par Aurélie Lureau dans le cadre de son stage de Master2 en 2013-2014.

Buste d'Akhenaton numérisé par Archeovision.

Données préalables

Les traces de polychromie conservées à la surface du buste sont relativement ténues : quelques traces de bleu égyptien au niveau de la coiffe, des traces d’ocre rouge pour la carnation, au niveau des oreilles, et des empreintes – plutôt que de réelles traces de couleurs – au niveau du collier pectoral.

Traces de polychromie subsistant à la surface du buste du Louvre.

Empreintes au niveau du collier pectoral.

Retrouver l’aspect original du buste :

Restituer les volumes

Le modèle a été réalisé par photogrammétrie par corrélation dense par Pascal Mora (Archeovision Production). Il n’est pas envisageable de restituer les couleurs sur une œuvre à la géométrie lacunaire : la première étape a donc été de restaurer les volumes du buste. Ce travail a été réalisé par François Daniel (Archeovision Production) d’après les indications proposées par Dimitri Laboury (Ulg).

Plusieurs parallèles ont pu servir à la restitution des volumes :

a. Akhenaton, buste d'Hanovre, Kestner Museum / b. plâtre de Berlin, Inv. ÄM 21351

Le buste de Berlin (cf. plus bas), où les restes de polychromie sont beaucoup plus importants a subi une destruction volontaire qui ne permet pas de l’utiliser pour la restitution d’éléments du visage. En revanche, le buste d’Hanovre et le plâtre de Berlin qui, d’après l’analyse de Dimitri Laboury, est une pièce de travail, étape de l’élaboration du buste, destinée à être validée par le commanditaire, comme on en a retrouvé toute une série dans l’atelier de Thoutmôsis.

Pièces retrouvées dans l'atelier de Thoutmôsis et classés par type, du 1er état de proposition au commanditaire au buste final sculpté et peint (D. Laboury)

Entre le « masque », représentant uniquement le visage, et le buste sculpté et peint final, destiné à être copié pour être diffusé, plusieurs étapes devaient être validées : après le masque, le visage complet avec le cou, puis le « tour de tête ». C’est de cette avant-dernière étape que l’on conserve un exemplaire : les tracés noirs peuvent y avoir deux fonctions : marquer l’emplacement des tracés destinés au buste final (sourcil, maquillage autour des yeux) ou indiquer un creusement à accentuer (sillon naso-génien).

Plâtre de Berlin, « tour de tête », Inv. ÄM 21351.

C’est grâce à une série d’aller-retour documentés avec Dimitri Laboury ainsi que des discussions avec Robert Vergnieux que la restauration de la géométrie du buste a pu être validée. Il a fallu en particulier être attentif aux parties restaurées : le jugulum, creux situé entre les clavicules, dont la forme étrange sur le buste du Louvre est sans parallèle, est en fait une restauration. Il a donc été remodelé à partir de documents de l’époque amarnienne.

Exemple de document de travail permettant de corriger des éléments de la géométrie (morphologie) et des couleurs appliquées.

Cartographies des couleurs

Pour la restitution des couleurs, le buste de Berlin a, en revanche, était un document de référence essentiel. Les deux bustes semblent extraordinairement similaires et les bandes bleues qui scandent le collier horizontalement, bien visibles sur le buste de Berlin, paraissent bien correspondre aux traces imprimées sur celui du Louvre.

Buste d'Akhenaton en calcaire peint, conservé au Musée de Berlin, Inv. ÄM 21360.

Les photographies anciennes permettent de bien distinguer certains détails de la composition du collier.

Buste d'Akhenaton en calcaire peint, conservé au Musée de Berlin, Inv. ÄM 21360.

C’est en confrontant toute la documentation possible à ce sujet qu’une série de propositions a pu être faite, s’affinant au fur et à mesure des échanges, à l’aide de schémas et d’essais réalisés directement sur le buste en 3D, avec le logiciel Mudbox d’Autodesk.

Documents de référence pour la composition du collier: a. Princesses, Oxford, Ashmolean Museum = bandeau à droite reprenant les bandes typiques des colliers / b. Nefertiti et Akhenaton, Louvre, Inv.E 15593 / c. Akhenaton, statuette en bois polychrome/ d. Amenhotep III / e. collier réel.

Première proposition de schéma pour la composition du collier.

Les éléments récurrents qui ornent les colliers sont des fruits de mandragore, des pétales qui peuvent se déployer sur des bandes de couleur bleu foncé, bleu-vert et ocre rouge, des successions de boules. Chaque registre est cerné de lignes ocre rouge.

Premiers tests de mise en couleur sur un tracé préparatoire positionnant les différents éléments (et premiers essais de reliefs de la peinture).

C’est au fur et à mesure de la mise en couleurs que le positionnement des éléments a pu être affiné. Il en est de même pour le tracés de certains éléments de morphologie : ce n’est qu’en testant que l’on a pu s’apercevoir du rendu et proposer des améliorations.

Proposition de corrections d'éléments de morphologie et de tracés.

Rendre la matérialité de la peinture :

Un des enjeux majeur de ce programme est aussi de rendre la matérialité de la peinture. Or, en fonction des pigments employés, l’épaisseur, la granulosité, la transparence ou l’opacité, l’homogénéité diffèrent. Ainsi, sur le buste de Nefertiti, on voit bien que le bleu est posé en couche épaisse, ce qui forme une goutte dans le sens de la gravité. Le bleu égyptien, premier pigment de synthèse, ne doit pas être broyé trop finement ; plus il est broyé, plus il devient gris. Au contraire, le traitement de la peau est réalisé en plusieurs couches qui semblent fluides et transparentes.


Figure 49 - a. b. Buste de Nefertiti, Berlin, Inv. ÄM 21300. Différentes textures en fonction des couleurs : épaisseur et granulosité du bleu égyptien par rapport aux autres couleurs.

Pour bien prendre la mesure de cette matérialité, une approche expérimentale s’est aussi avérée incontournable. Elle a donné l’occasion d’une collaboration avec Hugues Tavier qui travaille depuis des années à retrouver les matériaux et les outils des peintres égyptiens. Lors d’une session de travail à Bruxelles et Liège, il a accepté de mettre ses travaux à disposition de ce projet. Selon la technique décrite dans la page consacrée au triclinium d’une maison d’Herculanum, une campagne de photographies calibrées a pu être effectuée. Celle-ci a permis de définir une palette des couleurs potentielles mais aussi une palette de référence des effets de matière.


Tests expérimentaux réalisés par Hugues Tavier autour du bleu égyptien.

Tests expérimentaux réalisés par Hugues Tavier : usage du lin et de tiges de bois comme pinceaux / palette de couleurs (photographie calibrée).

Peinture numérique :

La peinture numérique a été réalisée sur le logiciel Mudbox comme pour l’ange de la cathédrale Saint-André de Bordeaux.

Avant-dernière étape de la restitution polychrome du buste.


Cliquez sur l'image ci-dessous pour ouvrir le modèle 3D dans une nouvelle fenêtre.
Faites pivoter le modèle à l'aide de la souris ou de votre doigt.

Documentation et bibliographie

Chr. Barbotin, Les statues égyptiennes du Nouvel Empire. I. Statues royales et divines, Paris, cat. n° 24, 2007, p. 66-67.

D. Laboury, « Dans l’atelier du sculpteur Thoutmose », in Festschrift M. Malaise, Acta orientalia belgica, XVIII, La Langue dans tous ses états, Bruxelles, Liège, Louvain, 2005, p. 289-296.

F. Kampp-Seyfried, In the Light of Amarna: 100 years of the Nefertiti discovery, Catalogue de l’exposition du Staatliche Museen zu Berlin, Dec. 7, 2012 – Avr. 13, 2013, Berlin, 2012.







Retour haut de page